lundi 25 février 2013

Le plateau repasse en permanence


Dans une grande séance de neuf joueurs avec deux plateaux de jeu, je passe de l'un à l'autre. J'arrive alors que Didier* qui se trouve au niveau physique, tire une carte de conscience : «pardon». Il peut en tirer trois, il lui en manque une pour remplir son niveau. Il place cette carte de pardon à côté en déclarant :
—Le pardon, non!
—Ah bon? Toi, pas de pardon…?
—Non, le pardon, non.
Je n'insiste pas, il semble déterminé. Je ne sais pas s'il refuse ainsi de donner ou de recevoir du pardon, mais c'est net, et c'est nettement bloqué. Il a comme intention de se débarasser de sa colère et je me dis que du pardon pourrait bien aider à la dissoudre, mais il poursuis sans s'arrêter à ce pardon. Je sens que ce n'est pas la peine d'intervenir, fermé comme il l'est, ce serait contre-productif, je suis pratiquement sûre qu'il se fermerait encore plus sur ses bonnes raisons de refuser ce pardon.

Les autres joueurs avec lui prennent leur tour, et je passe à l'autre plateau de jeu. Un moment plus tard,  je reviens vers Didier. Il a changé de niveau de jeu, il est renversé d'aise dans le canapé par une carte de lumière qu'il vient de tirer :
—Écoute ça, me dit-il : «Je pardonne à tous et à chacun. Je me pardonne. Je pardonne pour tout ce que j'ai vécu dans le passé. Je suis libre!»
Il sourit, il accueille, il rayonne. Je ne peux m'empêcher:
—Ah bon!? Alors tout à l'heure, tu as vertement mis de côté en disant «le pardon, non», et maintenant, tu es liquéfié ?
Il ouvre de grands yeux, il n'avait même pas remarqué.
—Ah oui, constate-t-il… Mais là, tu vois, je le reçois d'une façon que je peux l'entendre.

Ainsi en va-t-il de même dans la vie de tous les jours: l'univers repasse le plateau jusqu'à ce que nous  ayons faim.

*Tous les prénoms sur ce blog sont fictifs.